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ANDREBIO

05/02/2016 15:46

C’est le fanatisme de la liberté seule qui peut avoir raison du fanatisme de la servitude et de la superstition.

C’est le fanatisme de la liberté seule qui peut avoir raison du fanatisme de la servitude et de la superstition.

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La croyance est donnée dans un vécu particulier et correspond dans l’attitude naturelle une intention tournée vers un objet.

Toute croyance est croyance en quelque chose. L’objet de la croyance est donné dans une expérience dans laquelle l’esprit adhère plus ou moins à une représentation.

Quand il n’y a aucune adhésion, nous parlons de doute, quand l’adhésion est médiocre, nous parlons de probabilité, quand elle est entière, nous parlons de certitude.

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Ce flottement de l’adhésion, qui donne son caractère au jugement, est relatif à la conscience qui juge et s’identifie à sa propre construction mentale, ce qui produit un degré d’adhésion au jugement.

Quels sont donc les facteurs psychologiques qui interviennent dans l’adhésion qui est au fondement de la croyance ?  

Tous les hommes ont en droit une même puissance de juger en examinant une représentation le plus attentivement possible. Tous les hommes sont aussi portés à croire. Cependant, savoir exercer son esprit critique est une chose qui s’apprend, qui s’exerce.

La croyance elle est plus passive et plus irréfléchie.

Nous sommes soumis à l’inertie du mental, inertie qui est proportionnelle à notre identification aux constructions mentales de notre propre pensée. Dans l’attitude naturelle, nous ne pouvons pas nous empêcher de croire dans nos pensées.

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L’inertie du mental fait que la paresse peut engourdir l’intelligence, de sorte qu’au lieu d’avoir en tête des idées justes, solidement fondées en raison, nous entretenons par habitude des idées confuses et qui n'ont pas vraiment de justification.

L’habitude maintient le mental dans des ornières dont il ne sort pas facilement. Il faut une singulière vivacité d’esprit, un étonnement vivant, une continuelle curiosité intellectuelle pour que l’intelligence toujours éveillée.

Sinon, elle risque de prendre ce qui est seulement l’intelligence familière pour ce qui est évident, de prendre ce qui est habituellement entendu pour ce qui est intellectuellement recevable.

Bref, de croire dans des préjugés de manière stupide et irréfléchie.

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C’est la paresse intellectuelle qui favorise le conformisme des idées reçues, ce conformisme

Nous n’osons pas mettre en cause ce conformisme parce que nous nous comportons soit en poltrons –par ce que nous n’osons pas penser par nous-même -ou en perroquet de l’opinion – parce que nous prenons l’habitude de répéter ce qui se dit.

Le conformisme c’est une forme de croyance où l’intelligence s’est endormie dans l’habitude. 

Plus spécieux, est le besoin de crise à tout prix. La faiblesse de l’esprit critique laisse le champ libre à la crédulité et la crédulité peut prendre une forme quasiment pathologique dans certains cas. Qu’est-ce que la crédulité ?

Une attitude dans laquelle l’esprit avale des idées reçues sans examen. On dit que l’enfant est naturellement crédule.

C’est vrai qu’il est facile à tromper et l’adulte en abuse souvent. L’enfant est seul avec son besoin d’explication qu’il remplit au fur et à mesure par ce qu’il entend dire.

Cependant, l’enfant en réalité est plutôt naïf, ce qui signifie qu’il ouvre de grands yeux à ce qui est neuf. Ce qui est vrai dans sa relation au monde, c’est la naïveté.

Un esprit naïf est sans idée préconçue, vierge de présupposé.

La naïveté permet un rapport innocent, neuf au monde.

 

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La naïveté seule peut accueillir ce qui est perpétuellement neuf. La crédulité est très différente. Elle est une forme irrationnelle de pensée qui est portée à croire plus ou moins n’importe quoi, c’est-à-dire que le crédule admet sans justification.

Mais certainement pas pour rien. L’adulte est crédule dans un sens différent de l’enfant.

Il a cessé depuis longtemps d’être naïf. L'homme est étonné devant le monde sans éprouver le besoin de se rassurer ; or la plupart d’entre nous, bien au contraire, devenons crédules quand il y a en nous un besoin affectif de croire pour nous rassurer.

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Or, c’est une chose que de chercher à comprendre ce qui nous étonne, - ce qui implique la fraîcheur de la naïveté devant ce qui est - et c’est tout à fait autre chose que de chercher à tout à se rassurer dans la croyance.

Si je ne cherche qu’à me rassurer, je suis par avance prêt à accepter tout ce qui assure mon confort intellectuel, ce qui veut dire satisfaire mes désirs, donc très souvent à me payer des illusions.

La connaissance est là pour m’éclairer.

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Elle n’est pas là pour me réconforter. Dans l’ordre du vrai, il ne s’agit pas de « positiver » à tout prix mais de regarder les choses en face.

Si on veut seulement positiver, le besoin de croire prend tout son empire, ce qui ouvre la porte à la crédulité.   

La crédulité voisine avec la superstition.

Un esprit superstitieux est crédule d’une manière plus aiguë. Il voit partout des signes avant-coureur de ses propres attentes, il voit la confirmation de ses craintes, il voit partout le reflet de ses peurs.

Ne pas passer sous l’échelle cela porte malheur !

Il faudra retourner le pain !

Dans les campagnes autrefois non seulement on le retournait, mais on faisait une croix dessus.

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Un esprit inquiet ou angoissé cherche des signes.

 Il interprète de manière délirante la réalité. Ainsi de ce cas psychiatrique où on voit un sujet s’arrêter devant les initiales JVC d’une marque de télévision pour proclamer : « Jésus Vous Connais ! C’est un signe, tremblez, vous serez jugé ! ».

Freud fait quelques remarques de bon sens sur la différence entre le superstitieux et le psychiatre : « ce qui me distingue d’un homme superstitieux, c’est donc ceci : je ne crois pas qu’un événement à la production duquel ma vie psychique n’a pas pris part soit capable de m’apprendre des choses cachées concernant l’état à venir de la réalité ».

Freud-201938.jpg  Le superstitieux oui. Le superstitieux ne croit pas au hasard extérieur, le psychologue lui ne croit pas au hasard intérieur. Le superstitieux « projette à l’extérieur une motivation que je cherche à l’intérieur ».

En d’autres termes : le superstitieux ne se rend pas compte de ses propres motivations et justement, parce qu’il les ignore, il les projette dans le monde extérieur.

Il faut bien avouer que le cours de la Nature ne nous est que rarement favorable, selon des plans qui soient les nôtres.

benladen_1024-copie-1.jpg Les choses ne se passent jamais comme l’ego peut les attendre. Alors, comme l’explique Spinoza, les hommes ont tendance à repenser le cours des choses suivant leurs propres desseins.

Donc, « si la fortune leur était toujours favorable, ils ne seraient jamais prisonniers de la superstition ». Dans l’adversité, il faut que les hommes cherchent de quoi se rassurer, quel que soit le prix de la croyance.

Adolf_Hitler.jpg  « Si en effet, pendant qu’ils sont dans l’état de crainte, il se produit un événement qui leur rappelle un bien ou un mal passés, ils pensent que c’est l’annonce d’une issue heureuse ou malheureuse et pour cette raison, bien que cent fois détrompés, l’appellent un présage favorable ou funeste ».

La superstition prolifère sur le terrain de la peur.

La peur engendre une pensée irrationnelle et c’est cette pensée irrationnelle qui finit par faire en sorte que les hommes« quand ils interprètent la Nature, ils découvrent partout le miracle, comme si la nature délirait avec eux ».

Nous ne devons pas nous moquer trop vite de la crédulité, car elle peut être liée à un profond malaise, une angoisse, un doute morbide dont le sujet ne peut sortir que par une fuite en avant dans des opinions qui rassurent.

 

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Il ne suffit pas de dénoncer la superstition, tant que la confiance en soi n’a pas été restaurée.

Quand la confiance est sapée, c’est le doute acide qui ronge. Le sceptique, dans le sens pathologique, est celui qui ne parvient plus à croire en quoi que ce soit et qui reste seul avec le doute.

L’intellect qui n’a plus de prise sur rien se retourne contre lui-même et rumine des scrupules indéfinis, pour aboutir au sentiment d’une impuissance à croire.

Le sceptique ne peut plus se rassurer dans des opinions qui assureraient un confort. Il rumine le doute.

300px-Bundesarchiv Bild 183-E12109, Posen, Stadttheater, NS

Le "moi" voudrait tout contrôler, mais n’y parvient pas. Il se retranche dans l’abstention et s’auto-justifie par le scrupule soi-disant rationnel.

En comparaison, le fanatique lui, sort du doute par un saut aveugle dans la foi. Là où le sceptique rumine ses doutes, en restant prostré, lui se dope à la fébrilité d’une foi qui ne doute de rien.

Il a le regard halluciné de celui qui possède la vérité absolue et entend l’imposer par tous les moyens, y compris par la force.

Tout l’inverse du regard rentré, éteint, du sceptique qui ne voit plus de vérité nulle part. Son adhésion à la croyance est massive, inconditionnelle, étroite, dépourvue de tout esprit critique. 

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C’est la passion de celui qui est persuadé de posséder la vérité et non pas passion de celui qui la cherche, ni l’humilité de celui qui sait que la vérité ne lui appartient pas en propre.

Le mental fanatique est porté à donner des réponses brutales, tranchées, sommaires, catégoriques.

Le fanatique pense entièrement dans la dualité et une dualité rigide, manichéenne : il y a le bien/mal, le monothéiste/païen, les élus de Dieu/damnés, le peuple musulman/le grand Satan occidental, les courageux/lâches, la droite/gauche etc.

Derrière la pensée fanatique, il y a d’abord une rigidité mentale. 

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Le fanatique ne parvient pas à s’ajuster à la compréhension d’une situation neuve, complexe, il applique un schéma brutal, sans parvenir à nuancer son interprétation.

Il pense de manière manichéenne et il s’auto-justifie dans la grandiloquence morale, bardée de principes, qui ne devraient pas connaître d’exception, comme si la règle devait tomber comme un couperet, sans discussion possible.

Cette incapacité de saisir la complexité fait que le fanatique ne parvient pas à voir que bien et mal sont présents en toute réalité relative donc en l’autre comme en lui-même.

Persuadé d’avoir raison, il se fait fort d’exprimer ses vues de manière agressive, comme il sait s’abriter adroitement derrière le souci de la justice pour faire violence. 

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La personnalité fanatique est naturellement de type obsessionnel. Les exemples que nous pourrions fournir sont nombreux.

Il y a eu des fanatiques de tous bords, de toutes formes d’idéologie.

Le christianisme a eu son fanatisme du temps de la Sainte Inquisition. Le personnage de l’inquisiteur est exactement le profil psychologique d’une pensée obsessionnelle, de la rigidité mentale fanatique.

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Un personnage aussi véhément (euphémisme !) qu’Adolf Hitler et son style de discours véhiculent exactement la même structure mentale. La logique de l’annihilation des Khmers rouges est encore la réapparition de ce même profil.

Et c’est encore la structure mentale fanatique que l’on retrouve dans les mouvements intégristes violents qui se rattachent à l’Islam.   

Nous ne pouvons pas être tolérants en matière de fanatisme, car justement le fanatisme est l’antithèse radicale de la tolérance.

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Cependant, si nous transportons la question à l’intérieur de nous-mêmes, nous aurons là une occasion d’une prise de conscience.

Ce que nous devons savoir reconnaître avant tout, c’est cette forme-pensée fanatique, cette croyance qui rend fou. Le personnage du fanatique n’est rien d’autre que l’incarnation d’une forme-pensée.

De la même manière, le sceptique maladif est un type mental, la concrétion psychologique d'une forme de pensée, de même que le superstitieux. 

Tous ces personnages sont en nous, parce que notre esprit abrite en lui toutes les formes-pensées. Il est important de savoir reconnaître le pli mental qui installe dans notre vie un personnage, c’est même plus important que de seulement le dénoncer chez les autres.

 

Nous ne pouvons pas être tolérant en matière de fanatisme,

car justement le fanatisme est

l’antithèse radicale de la tolérance.

 

C’est le fanatisme de la liberté seule qui peut avoir raison du fanatisme de la servitude et de la superstition.
C’est le fanatisme de la liberté seule qui peut avoir raison du fanatisme de la servitude et de la superstition.
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N
Très bonne analyse <br /> Ceux qui ont des préjugés racistes ou les fanatiques devraient faire un peu d'introspection et de méditation et se remettre en cause .... au lieu de "vomir" leurs idées préconçues
Répondre
A
Belle réponse