05/02/2016 15:46
12 Janvier 2016
Ils sont de plus en plus nombreux dans les cabinets des sexologues,
avec leur désir en panne.
Parce qu’ils ne veulent plus de sexe sans amour,
parce qu’ils refusent la performance.
Les hommes seraient-ils lassés d’avoir à être « des bêtes de sexe » ?
En tout cas, ils consultent de plus en plus pour leurs problèmes de libido. L’andrologue et psychosomaticien Alain Mimoun a repéré l’émergence du phénomène il y a dix ans. « Depuis cinq ans, dit-il, les cas se multiplient. »
François-Xavier Poudat, psychiatre et sexologue, constate aussi que la plupart de ses patients – dont 30 % lui sont adressés par leurs compagnes – confondent encore baisse de désir et problèmes d’érection.
"C’est rassurant pour eux de croire qu’il ne s’agit que de défaillances mécaniques, mais les causes physiques ne concernent que 5 % des patients entre 30 et 60 ans. Très vite, les autres se rendent compte que leur souffrance est d’ordre psychologique."
Dans un contexte où la jouissance est l’objectif numéro un, « le sexe est partout mis en avant, dans une course à la performance et une escalade du hard où l’autre devient une chose, déplore Gérard Leleu, médecin et psychothérapeute de couple.
Mais je le vois chaque jour de façon criante : les patients ne veulent plus de ça. Ils souhaitent donner du sens au sexe, le réhumaniser et le resacraliser. »
Prisonniers de leurs états d’âme
Les hommes, réputés pour « parler » avec leur sexe, quels que soient leurs sentiments, seraient aussi prisonniers de leurs états d’âme…
François-Xavier Poudat le confirme : « A peine la moitié des hommes peuvent faire l’amour sans sentiments. Les autres ont besoin d’une sécurité affective et de tendresse pour passer à l’acte. Mais il ne leur est pas encore très facile de le dire, notamment parce que certaines femmes veulent une virilité sans faille au lit. Et je remarque que ces hommes à la recherche de douceur vivent bien souvent avec des compagnes « bousculantes ».
Ces problèmes de libido, Alain Mimoun les relie au changement du rapport hommes-femmes dans la société : « Les "nouvelles femmes" se montrent exigeantes et disent ouvertement ce qu’elles pensent ("J’ai connu mieux", etc.), ce qui déstabilise les hommes. "Un type dont la partenaire lui avoue qu’elle n’éprouve pas de plaisir avec lui va se mettre à douter, à s’angoisser et se bloquer."
Soumis à la pression
Et il n’y a pas qu’au lit que l’homme est astreint à la performance. Dans sa vie professionnelle et sociale, il est aussi soumis à une pression parfois intenable. L’anxiété, le stress, le surmenage, le chômage ou la retraite sont autant de nouvelles causes psychiques à sa perte de libido.
Car elles s’accompagnent bien souvent d’un manque d’estime de soi. « Or, insiste Gérard Leleu, il faut croire en soi pour faire l’amour. L’anaphrodisie, l’absence de désir sexuel, est d’ailleurs un signe majeur de la dépression. Et si on y ajoute la prise d’antidépresseurs ou d’anxiolytiques, la libido est alors sérieusement perturbée. »
Ainsi, un patient du Docteur Leleu, âgé de 40 ans, chômeur de longue durée et consommateur de pilules sur ordonnance, avoue qu’il n’a pas fait l’amour depuis un an et demi.
Lui qui a connu vingt ans d’une vie parisienne remplie de fêtes et de rencontres impute cet inédit et manque d’appétit à un écheveau de causes emmêlées.
Sa dernière liaison s’est terminée alors que ses projets professionnels s’effondraient, ruinant son bel optimisme et sa confiance en lui. Il s’est retiré dans une lointaine banlieue pour prendre du recul et "par peur du monde".
"Je n’ai pas de baisse de désir strictement physique, explique-t-il, mais je n’ai pas envie d’être disponible et de revenir dans la compétition. C’est dur à faire comprendre aux jeunes femmes célibataires en quête d’un homme."
L’homme est une création du désir,
non pas une création du besoin…