22 Juin 2012
La philosophie est philosophique au sens où elle se cherche elle-même derrière son objet : le nécessaire et l'universel.
La philosophie est cette science de l'absolu qui dénie l'absolu du donné. La forme-philosophie constituant à la fois cette quête régressive de soi et ce déni du réel se nomme "analyse".
En tant que philosophique, celle-ci porte à la fois sur elle-même et sur le monde, mais l'objet-philosophie lui-même n'appartient pas au monde. Il n'est donc jamais réalisé "en chair et en os" et
ne peut que demeurer fantasme ou objet de désir.
La philosophie ne peut qu'induire une médiation infinie entre elle-même comme sujet (discours) et sa réalisation comme objet (savoir). C'est pourquoi la philosophie est amoureuse - de ce qu'elle n'est pas. Donc de la non-philosophie.
Le désir de savoir (ou de sagesse) n'a aucun sens, comme l'avait déjà noté Lacan, car le savoir ne satisfait pas.
Pour satisfaire la philosophie, pour qu'elle ne souffre plus, il faut lui offrir ce qu'elle ne saurait produire par elle-même : une jouissance complète, une vision de soi totale mais non circulaire. Seule une non-philosophie peut jouir de la philosophie en tant qu'amoureuse, et la prendre totalement au sérieux en la soumettant enfin à la théorie.
Le rapport amoureux de la philosophie à la
non-philosophie (comme s'il y avait un rapport !...) ne fait pas de cette dernière l'objet d'amour, c'est plutôt elle-même qui se dispose comme objet d'amour pour la non-philosophie,
offrant l'autre qu'elle n'a pas à cet Autre qui n'en est pas (selon la formule de Lacan : "l'amour, c'est donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas"). En effet la non-philosophie
n'est l'Autre de la philosophie que depuis celle-ci, qui l'aime.
La définition lacanienne de l'amour suffit à définir celui-ci comme
non-rapport, mais ne rend pas compte de l'identité du Non. D'ailleurs la non-philosophie en tant qu'objet d'amour reste un objet halluciné, constituant en retour l'unité-sujet postulée de la
philosophie, prête alors à se déterminer comme offrande pour la non-philosophie.
La philosophie repose sur un principe de représentation selon lequel un terme représente toujours l'unité pour un autre terme.
La terminologie philosophique pose des rapports entre les termes, des rapports de représentation, la terminologie non-philosophique, au terme de la logique, pose le Réel comme terme premier et tout terme comme premièrement Un.
Toute décision philosophique tente de penser un rapport nécessaire au réel, tant et si bien que rapport et
décision se considèrent comme réels : ainsi se crée la "foi philosophique".
Cette référence faite au réel apparaît à la fois réductrice, puisque le réel est réduit à une fonction de référence, à un objet philosophable, et circulaire puisque l'ambition philosophique plus ou moins avouée est de transformer le réel, pour le rendre toujours plus philosophique.
Elle ouvre la philosophie à la théorie (jusque-là plutôt
réservée aux sciences) et introduit la pragmatique dans les sciences (quand la philosophie seule prétendait changer le réel). La manifestation du Réel ne se soumet à aucune démonstration, aucune
preuve : elle s'éprouve de manière non discursive, non-subjective, non-existentielle.
Cela tient au fait que l'immanence radicale de l'Un n'est pas une propriété ou le résultat d'un rapport, mais seulement son essence réelle.
Cela n'empêche pas le Réel d'être nommé, en tant que ce nommé-sans-nomination (qui se voudrait en même temps donation) ne se prend pas en même temps pour le donné.
Cette tension amoureuse doit se résoudre dans la non-philosophie, qui respecte le désir philosophique et l'inscrit dans une non-temporalité, sans retour ni recommencement, mais plutôt dans l'éternité d'un commencement généralisé et secondarisé.