05/02/2016 15:46
6 Mai 2016
Spontanément, la question qui est posée frappe par son caractère paradoxal.
Comment peut-on envisager, en effet, un droit à la bêtise, alors que la bêtise est ce que, depuis tout petit, on nous interdit de faire ?
"Ne fais pas de bêtise(s), sinon tu auras une fessée !", "arrête de dire des bêtises", etc. : qui ne s’est jamais entendu dire ça ?
La bêtise est, si on se réfère donc à l’usage le plus courant de ce mot, du côté de ce qu’il ne faut pas faire, à moins d’être réprimandé, puni.
Employer le mot de "bêtise" renvoie toujours, semble-t-il, à un jugement de valeur négatif sur une action ou sur une parole, un discours.
Pourquoi alors poser la question de savoir s’il peut exister un "droit" à la bêtise ?
Dira-t-on peut-être que la bêtise, telle celle de l’enfant dont nous parlions tout d’abord, peut être tolérée, et peut-être après tout bénéfique ?
On pensera alors à d’autres expressions du langage courant, du genre : "j’ai fait une grosse bêtise".
Ici, il ne s’agit plus à proprement parler de la bêtise commise par un enfant, mais par un adulte, certes… Mais il s’agit pratiquement de la même chose : il s’agit de quelque chose que l’on a fait ou dit par inadvertance, par ignorance, par manque de réflexion.
Ne dira-t-on pas ici que si la bêtise est pratiquement la même chose que l’erreur, on nous demande alors si la bêtise peut être tolérée, parce que propre à l’homme ? (Cf. l’expression : "l’erreur est humaine")
Cette dernière phrase ne peut pourtant que nous choquer par le nouveau paradoxe qu’elle semble cacher.
En effet, nous venons de dire que la bêtise serait propre à l’homme.
Pourtant, en philosophie, ne disons-nous pas que c’est plutôt la raison qui est le propre de l’homme, qui le différencie des autres espèces animales ?
La question qu’on nous pose nous pousse alors à interroger en profondeur la "nature humaine". Ne parlons plus de l’enfant mais de l’adulte. N’est-il pas de son devoir de respecter ce qui fait de lui un homme, c’est-à-dire, sa raison, sa réflexion ?
Si la bêtise revient à ne pas user de sa réflexion, de sa raison, alors, certes, on n’ira pas condamner cet homme et le mettre en prison (sauf si cette bêtise le pousse à commettre des actes ou à proférer des propos que la loi de l’Etat juge être un délit), mais n’est-ce pas hautement blâmable ?
Ici, la question posée nous invite à interroger le "droit à la bêtise" comme on pourrait très bien réfléchir sur le "droit à la différence" : que doit-on faire face à des gens qui vivraient perpétuellement dans la bêtise, dans l’ignorance, dans la non réflexion ?
Doit-on laisser faire, en arguant du fait que nul n’a le droit d’imposer à autrui un certain mode de vie, ou certaines valeurs ? Le relativisme moral peut-il être défendu jusqu’au bout ?
Vivre dans la "non-raison", n’est-ce pas une atteinte grave à l’idée d’humanité ?